jeudi 23 août 2018

Petit manifeste transhumaniste



Q’est-ce que c’est le transhumanisme ? Il s'agit de l’amélioration de l’espèce humaine par la science et la technologie. Mais ça n’est pas qu’un ensemble de techniques, c’est avant tout une philosophie qui a besoin d’être débattue. Selon Nick Bostrom, le transhumanisme, c’est l’humanisme des Lumières plus les technologies. C’est d’ailleurs probablement avec Descartes que tout commence, avec sa célèbre phrase nous invitant à nous rendre comme maîtres et possesseurs de la nature. Pour Kant, il faut avoir l’audace de penser par soi-même et de passer au crible de la raison ce que l’Église ou l’État par ex nous présentent comme irréfutable. C’est ce qu’on appelle la modernité de la raison. Aujourd’hui, cette tendance s’est accentuée pour certains d’entre nous ; on est entré dans une hypermodernité, on est devenus hyperationnels. On voit ainsi de plus en plus le corps comme un objet et la santé comme un capital. Car le dualisme cartésien a évolué : l’esprit est désormais plus fort que le corps. Ce dernier doit se plier à la volonté de l’esprit, être augmenté ou disparaître.




Alors je sais, ça peut faire peur, mais pour moi il s’agit d’une évolution logique : celle d’une complexité croissante. Dans ce processus, Homo sapiens serait le chaînon non-manquant entre animaux et robots, entre biologie et technologie. C’est une nouvelle barrière qui va tomber après celles entre le monde céleste et la Terre ou encore celle entre l’homme et l’animal. Car on a toujours voulu s’extraire du monde naturel, le mettre à distance tout en s’entourant de plus en plus d’artefacts artificiels. Ces outils nous aident dans notre combat contre la nature. Laurent Alexandre parle de véritable coup d’État de l’Homme sur le vivant. On se sentait tout petit face à des Dieux omnipotents, on se sent aujourd'hui tout puissant face à une nature maîtrisée et même modifiée. Car ce qui est naturel n'est pas forcément normal. La nature ne fait pas toujours bien les choses, il faut souvent corriger ses erreurs.




Je vais aller plus loin, beaucoup plus loin. Cette salope de mère nature ne cherche pas notre bonheur ou notre épanouissement, elle cherche simplement à ce qu’on survive et se reproduise. Dans ses bras, nous sommes comme des marionnettes dont les fils sont des brins d’ADN. Nous ne sommes pas maîtres de notre destin car nous n'avons pas écrit notre code génétique. L’évolution et la reproduction sexuée sont des systèmes qu’on subit. Alors il est grand temps de choisir, c’est le sens de l’histoire, de notre histoire, celle des enfants prodiges et rebelles de Dieu le père et de mère nature. Après une enfance faite de peurs et de superstitions, nous avons tué Dieu le père. Il faut désormais nous occuper sérieusement de mère nature. L’humanité ayant atteint l’âge de raison, il faut maintenant faire notre crise d’adolescence et prendre notre destin en main, enfin.

mardi 21 août 2018

Critique - Dominique Picard - Politesse, savoir-vivre et relations sociales




Voilà un petit bouquin (128 pages) dense et étonnant. Et plus on avance dans sa lecture, plus ça devient intéressant. Le dernier chapitre parle de l’évolution de la politesse. Alors avec toutes les incivilités qu’on subit au quotidien j’aurais aimé que l’auteur balance beaucoup plus. J’ai été très déçu à ce niveau là. Qu’importe, je ferais vais continuer mes recherches et écrire un article sur ce sujet qui mérite un ouvrage à part entière. Passons, le chapitre précédant est le meilleur, il pose tous les principes fondamentaux. Il y a aussi 2 chapitres sur toutes les règles du savoir-vivre. Et c’est là que ça fait bizarre. Ces règles sont souvent hyper précises et plus vraiment utilisées ou alors uniquement dans certains milieux. J’ai souvent eu l’impression d’un voyage dans le temps à une époque lointaine où la sociabilité avait une importance primordiale et où on prenait le temps de satisfaire à toutes ses obligations. A l’heure d’internet et des réseaux sociaux évidemment tout a changé. Cette révolution technologique et sociale n’est pas abordée du tout dans ce livre qui aurait donc bien besoin d’une mise à jour. Le premier chapitre est un historique assez fascinant qui nous transporte dans un passé révolu où les gens, enfin les classes supérieures, accordaient une attention extrême au moindre geste, mot, vêtement et manière de le porter. Il semble que notre postmodernité ait balayé tout cela dans une sorte d’inversion des valeurs assez frappante.

Complications dans les salutations : refus de serrer la main









De nombreux cas de musulmans ayant refusé une poignée de main ont récemment défrayé la chronique. Cela peut sembler paradoxal mais c’était peut-être le but recherché inconsciemment : attirer l’attention publique sur le malaise qu’éprouvent certaines minorités qui cherchent de manière contradictoire à la fois une valorisation sociale et un refuge dans la religion. Ce repli religieux est tout a fait possible dans la sphère privée où l’on peut vivre sa foi comme on l’entend. Mais dans l’espace publique, nous sommes censés nous plier aux us et coutumes du lieu : A Rome fait comme les romains.




Le problème c’est qu’il n’est pas vraiment illégal de refuser une poignée de main. Il s’agit tout simplement de savoir-vivre. Savoir-vivre dont un des principes majeurs est l’adaptabilité. On serait donc tenté de penser que c’est cette qualité qui fait défaut à certaines personnes. On imagine par exemple facilement un jeune homme musulman, grossier, frustré et zélé refusant de saluer une femme dans le contexte de son travail à la RATP.




L’histoire de Farah Alhajeh, une jeune suédoise de 24 ans, montre que les choses sont plus compliquées. Lors d’un entretien d’embauche, cette femme voilée a refusé de serrer la main de son employeur. Ce dernier a alors mis fin à la rencontre. Il s’est retrouvé face à la justice pour discrimination et a perdu son procès. Ne soyons donc pas naïfs, la politesse est censée adoucir les moeurs mais quand on en manque en le faisant exprès, on peut penser qu’il s’agir d’un dessein politique visant à ébranler le fragile équilibre des sociétés européennes.




Tous les jours nous devons saluer des gens, toutes sortes de gens avec des psychologies et des cultures différentes. L’idéal serait une salutation universelle de base comme un signe de la tête accompagnant le regard et pourquoi pas un sourire pour les moins timides. Et plus si affinités, bien sûr ! De nombreuses pratiques regionales devraient logiquement disparaître, comme la bise française. D’autres comme le salut musulman, qui consiste à mettre sa main sur le coeur, pourrait bénéficier d’une régénération. Tout dépend du poids relatif, notamment démographique, des différentes cultures. En somme, à chacun son salut, et que la guerre des bonjours commence. Courbette japonaise, bisou esquimaux, salut vulcain, high five américain ou encore fist bump (mon préféré, pour des raison d’hygiène) entrent ainsi en compétition dans l’arène mondiale. Moi qui pensait qu’avec la fin de l’Histoire, la poignée de main occidentale allait s’imposer…




Pour mettre fin à ce grand désordre multiculturaliste, nous avons besoin que les mêmes rituels (du latin ritus, ordre prescrit) soient connus et appliqués par tous. Cela afin d’atteindre une certaine harmonie sociale, objectif du savoir-vivre. Le problème c’est que tous ces gestes sont hautement symboliques, certains évoquent la paix (le salam musulman) voire la soumission ou au contraire un côté très avenant du côté de l’occident. C’est justement ce que certains nous reprochent : abuser de notre position de force, faire preuve d’”excès de pouvoir”. A la limite je peux comprendre qu’un regard pénétrant, une poignée de main ferme ou encore une démarche assurée puissent mettre mal à l’aise les plus effacés d’entre nous. Mais vouloir se dérober à ses obligations sociales, en utilisant le prétexte de la religion, cela me paraît être une assez mauvaise idée. Dans la tête de certains c’est aussi sans doute une façon de dire, vous m’avez exclu, et bien je vous exclus. Finalement je suis peut être le dernier dans votre société, mais vis-à-vis de Dieu je suis le premier, donc de marquer une supériorité dans le champ du religieux. Cette distinction sociale par la négative, véritable stratégie du looser est totalement contreproductive et inefficace.




La politesse est un art subtil. Comme le rappelle Dominique Picard dans son Que sais-je sur le sujet : Les codes du savoir-vivre supposent que l’on concilie des aspects contradictoires : respecter les distances et faciliter les contacts ; marquer la hiérarchie sociale et présenter une image positive de soi. En somme, respecter le territoire et la face de chacun. Et tout d’abord le territoire de ceux qui n’ont que leur fierté et leur religion pour opium. Et quand bien même ces territoires nous paraissent perdus, il nous faut les reconquérir. Mais pas par la force, plutôt en montrant que nous pouvons nous aussi nous adapter et intégrer les différences. Nous pourrions ainsi évoluer vers des pratiques salutatoires moins agressives. Ce point de vue peut paraître excessif mais il faut rappeller que la main est le symbole du pouvoir. Or c’est l’occident qui a la main. A nous donc de montrer la voie, celle de la conciliation, afin que plus personne ne perde la face.