mardi 2 novembre 2021

[Critique] SteamWorld Quest: Hand of Gilgamech (PC)

 J'ai joué à beaucoup de rpg, des longs, des bons. Mais là avec l'âge j'ai moins de motivation alors un rpg 2D c'est juste parfait. Moins d'exploration, moins d'énigmes, c'est forcément plus straightforward. Mais attention Steamworld Quest est loin d'être un "p'tit jeu". Il m'a fallu 70 heures pour en venir à bout... J'ai pris mon temps... et beaucoup de plaisir. Plaisir des yeux et des oreilles avant tout. Par contre l'histoire ne m'a pas emballé, trop second degré pour accrocher. Ce qui m'a le plus plu c'est le gameplay. 

Il s'agit d'un vrai rpg tour par tour mais simplifié grâce aux cartes et à l'inventaire réduit. Reste à choisir ses personnages, ses accessoires et ses cartes évidemment, en particulier celles qu'on veut débloquer et upgrader. Et là on s'éclate vraiment, surtout que la difficulté est au rdv (en tout cas en mode légende). Il y a même un new game + qui à l'air pas mal. Mais là je dois avouer que j'ai envie de passer à autre chose. En attendant le prochain jeu de Image & Form.


lundi 30 août 2021

[Critique] Jean-Claude Kaufmann, C'est fatigant, la liberté..., éditions de l'observatoire, mars 2021



Avec cet essai j'ai complètement redécouvert Jean-Claude Kaufmann. Je connaissais ses ouvrages de microsociologie qui scrutaient dans le détail nos intimités. Là au lieu de donner la parole à des anynonymes il la donne à différents auteurs, souvent des philosophes. Il s'appuie avan tout sur la théorie de l'économiste Albert Hirschman : Exit, Voice, and Loyalty. Plusieurs attitudes face à la vie. Il y a tout d'abord ceux qui sont loyaux, qui obéissent aux injonctions sociales. Dans la société traditionnelle, c'était la grande majorité des gens. Et puis avec la liberté et l'abondance, utopies devenues réalité, les choses ont changé, surtout à partir des années 60. On a pu s'exprimer davantage, dans la rue ou sur les réseaux sociaux.


Après une sorte de journal de confinement qui revient sur cette "drôle de vie" (première partie), puis un nécessaire préalable théorique (deuxième partie), c'est à la troisième attitude que s'intéresse le sociologue à moustache (troisième partie : Le nouveau pays de cocagne). C'est cette partie qui m'a le plus intéressé, en particulier le sixième chapitre (Se retirer du monde). Enfin on en apprend plus sur cet "individu par défaut" épuisé par toutes ces décisions à prendre, ces efforts à faire, cette pression à subir… Gare à la surcharge ou au burn-out ! Heureusement, la plupart du temps il suffit de lever le pied, de prendre un peu de repos et de recul… avant de repartir dans la mêlée. Car l'auteur ne croit pas à un grand virage décroissantiste à 180°. Il ne pare cet être ralenti et ramolli ni de tous les vices ni de toutes les vertus, son propos est assez nuancé.


Moi qui aime prendre des notes, j'aurais aimé avoir une liste des différents types de fatigue. La typologie des divers décrochages que j'ai trouvé dans la presse aurait au moins pu être reprise (décrochage pathologique/intermédiaire/actif). Mais cela aurait nuit à la fluidité et au style de l'ouvrage. Celui-ci se lit rapidement et agréablement, enfin si vous avez quand même une certaine culture générale. En ce qui me concerne j'ai eu du mal parfois avec certains concepts repris et cités tels quels sans explications. Ainsi pour comprendre ce qu'est le "déplacement de l’expérience de la subjectivité" aurait-il sans doute fallu que je lise le livre d'Alain Ehrenberg, La fatigue d'être soi. Je n'en ai pas eu le courage. Fatigue quand tu nous tient...

dimanche 18 juillet 2021

Tous seuls ensembles

François Saltiel, La société du sans contact; Selfie d'un monde en chute, Flammarion, Jul 2020


Tout un concept ce titre. La société du sans-contact c'est « une société où les humains ont tendance à moins se regarder, se toucher et s'embrasser ». C'est quelque chose qui va sûrement s'accentuer dans les années à venir. J'aurais aimé que cette vision soit davantage développée. En fait il s'agit surtout ici du point commun entre les différentes évolutions abordées. Le confinement sert aussi de fil rouge à cet essai. Il faut dire que le numérique change complètement nos manières de sociabiliser, de travailler, d'aimer, mais aussi notre rapport à la mort, à l'ordre et à l'État. Un changement pour le pire ? 

C'est ce que laisse présager le sous-titre. Dans cet ouvrage technocritique et pessimiste, François Saltiel pointe habilement les nombreuses menaces sur notre vie privée. Il prend aussi la défense des petites mains qui se serrent les coudes en luttant contre les gros cerveaux qui font de gros profits en profitant de nos petites faiblesses. Le présage est donc mauvais et le techlash mérité. 

Pourtant le ton est souvent léger, familier. Les sous-chapitres sont courts, comme les chroniques qu'il présente à l'émission 28 minutes. Il y a bien sûr quelques répétitions, imprécisions et autres raccourcis. Mais je crois qu'il faut reconnaître au journaliste un grand sens des tendances, une solide culture (nombreuses références à la culture populaire), ainsi qu'un humour bienvenu. Il s'agit donc d'un texte qui se lit avec plaisir, facilement et rapidement. Parfait pour une première approche du sujet. Pour les plus âgés ou cultivés, je recommanderais plutôt le livre du patron de Saltiel à Arte, Bruno Patino (La civilisation du poisson rouge: Petit traité sur le marché de l'attention, Grasset, 2019).


Comme moi, François Saltiel a grandi dans les années 80 avec des valeurs post-soixante-huitardes. Les utopies libertaires ont semble-t-il mal tourné, se transformant en surveillance généralisée et dystopique à la Black Mirror. Que s'est-il passé ? Une révolution, celle du numérique. Un changement de paradigme qui fait des heureux et des malheureux, des gagnants et des perdants. D'un côté, des « nomades virtuels » [1], usagers usés et désenchantés, parfois esseulés, dans le déni voire la folie, l'illusion et même l'addiction, cherchant confort et réconfort dans le techno-cocon de leurs conforteresses [2]. De l'autre, les winners de la Silicon Valley. Des tech moguls qui, au lieu de sauver la planète, voudraient se sauver de la planète. Ils rêvent de voyage spatial alors que les hippies aspiraient au retour à la terre. Aujourd'hui ce que propose l'auteur, c'est le retour à la vie réelle, à l'IRL, dans l'espoir de conjurer l'escapism dans l'irréel. Espoir vain et combat d'arrière-garde à mon avis. Car le vœu pieux du retour en arrière n'empêchera pas la fuite en avant.



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Notes : 

[1] Jacques Attali, Une brève histoire de l'avenir, Fayard, 2015

[2] néologismes d'Alain Damasio