J'aime bien les éloges, celui-ci est
un pamphlet court (une centaine de pages) et surtout hyper stylisé.
Régis Debray maîtrise tellement la langue (pas seulement française)
qu'il joue avec les mots : leurs étymologies, leurs sonorités,
leurs sens. L'auteur a énormément de culture mais au lieu de
l'étaler, il la concentre. Le texte est donc dense mais dans le bon
sens du terme. C'est comme un plat de grand chef : peu de
quantité mais beaucoup de créativité. Alors souvent on est un peu
paumé et on a du mal à suivre. Régis n'est pas un con, bien au
contraire. On dit des gens qui parlent vite qu'ils sont intelligents.
On pourrait dire de Régis Debray qu'il écrit vite, et avec quelle
maestria ! Son essai est cependant peu structuré et surtout
inégal. Je n'ai pas compris grand chose au 4e chapitre, le 5e et
dernier est par contre est excellent. Il résume bien la pensée de
l'auteur. Celle-ci suit souvent un rythme binaire fait de couples
d'opposition interdépendants tels le yin/yang. Séparés à l'écrit
par un slash, une frontière, mais qui en fait permet des échanges
car il y a évidemment du yin dans le yang et inversement.
Ce livre est donc un éloge des
frontières mais aussi du sacré, des protections et limites. Ça peut
paraître un peu réac et ça l'est ! C'est une réaction saine,
épidermique (il est beaucoup question de la peau) contre une
injonction à toujours plus d'ouverture. Il s'agit également d'une critique érudite du
sans-frontiérisme, du libre-échangisme, du mondialisme, de
l'accélération du temps et de l'uniformisation de la culture.
Vraiment un livre à lire donc pour comprendre cette réaction au
libéralisme dont beaucoup souhaitent aujourd'hui se libérer. Grâce
aux fondements biologiques et psychologiques, qui auraient gagnés à
être plus développés, on saisit ainsi mieux la retour du
nationalisme et la demande de protectionnisme. Reste à trouver le
juste milieu entre ouverture et fermeture. C'est à ça que servent
les frontières.
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