dimanche 25 décembre 2016

L'idéologie du "Devenir soi"


Selon Jacques Attali, l'Histoire de l'humanité a vu une progression constante de la liberté individuelle, c'est à dire de la liberté de choix. Dans son dernier ouvrage, Devenir soi, il nous explique la teneur de cette idéologie dominante : « A condition de le vouloir vraiment, de prendre le temps d'y réfléchir, il est possible, où que l'on soit, qui que l'on soit, d'apprendre ce que l'on veut apprendre, de choisir librement son apparence, ses amours, sa sexualité, son lieu de vie, sa langue, de trouver et d'assumer qui on est vraiment. Et de refaire tous ces choix plusieurs fois au cours d'une vie, simultanément ou successivement. ». Pour résumer avec les mots de Renata Salecl, auteur de La tyrannie du choix : « l'individu est le maître ultime de sa vie, dont il est libre de déterminer chaque détail ». Dès notre plus jeune âge nous avons été soumis à ces idées, on nous a demandé à tous ce qu'on voulait faire plus tard. Personnellement je n'ai jamais su. Quand j'étais enfant, je me souviens avoir eu un livre constitué intégralement de pages blanches et dont le titre était : Ma vie, mon oeuvre. Je n'ai pas envie de voir ma vie comme un roman qu'il faudrait écrire ou comme une to-do list dont il faudrait cocher les cases. C'est une vision utilitariste, rationaliste, c'est le règne de l'homo economicus.

Les enjeux économiques sont immenses : il y a beaucoup de choses et d'expériences à vendre aux personnes en quête « d'eux-même » tels des ados qui cherchent leur voie, leur look ou leur style musical. C'est une bonne chose pour des banquiers comme Attali que les gens aient des projets, ça permet de leur prêter de l'argent pour qu'ils puissent prendre des cours, acheter du matériel ou voyager... Évidemment nous ne sommes pas égaux face à cette offre pléthorique. Ceux qui savent ce qu'ils veulent, qui ont eu une vocation précoce, une vision créatrice ou un quelconque traumatisme les poussant à travailler dans relâche peuvent bien défiler sur les plateaux de télé. Quid des gens normaux ? D'après le grand psychologue Abraham Maslow : « It isn’t normal to know what we want. It is a rare and difficult psychological achievement ».

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